DESCRIPTION
Le mâle mesure environ 1,19 m pour un poids allant de 37 à 61 kg (45 kg en moyenne). La femelle mesure 1,11 m pour un poids allant de 27 à 38 kg (33,2 kg en moyenne). Le dimorphisme sexuel est moins prononcé que chez la plupart des primates.
Il se distingue notamment du chimpanzé commun par une face foncée plutôt que claire et ses poils sont généralement plus longs que chez ce dernier. En outre, le bonobo est plus petit que son homologue le chimpanzé, d'où son nom de chimpanzé nain. On pourra de même remarquer que le bonobo a une teinte plus noirâtre, les lèvres rouges et des organes sexuels femelles externes.
Son espérance de vie dans la nature est de 40 ans et peut atteindre 60 ans en captivité.
HABITAT ET RÉPARTITION
Ils vivent dans les forêts équatoriales de la République démocratique du Congo, entre le fleuve Congo et la rivière Kasaï.
COMPORTEMENT ET ÉCOLOGIE
Régime alimentaire
Le bonobo se nourrit essentiellement de fruits mûrs, à 57 %, et de plantes. Son régime alimentaire comporte aussi des racines et des produits d'origine animale (poissons, petits mammifères, miel). Il arrive occasionnellement qu'il mange de petits invertébrés, insectes et vers. Les bonobos consacrent 40 % de leur temps à chercher leur nourriture et à la consommer. Bien qu'ils soient omnivores, leur régime alimentaire comporte moins de produits carnés que celui des chimpanzés communs, de sorte qu'on les classe parfois dans la catégorie des animaux frugivores non stricts.
Rôle écologique
Dans la forêt tropicale humide du Congo, la très grande majorité des plantes a besoin des animaux pour se reproduire et disperser leurs graines. Les bonobos sont les plus grands frugivores après les éléphants. Au cours de sa vie, chaque bonobo ingère et disperse 9 tonnes de graines, de plus de 91 espèces de lianes, herbes, arbres et arbustes. Ces graines voyagent 24 heures dans le tube digestif des bonobos, qui les transportent sur plusieurs kilomètres (environ 1,3 km, maximum 4,5 km), puis les déposent intactes dans leurs fèces. Ces graines dispersées restent viables, germent mieux et plus rapidement que les graines non passées par le tube digestif d
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un bonobo. La diplochorie, impliquant les bousiers (Scarabaeidae), favorise leur survie post-dispersion. Certaines plantes comme les Dialium pourraient même être dépendantes du bonobo pour activer la germination de leurs graines en dormance tégumentaire. Les premiers paramètres de l
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efficacité des bonobos comme disperseurs de graines sont présents. Leurs comportements pourraient affecter la structure des populations végétales. La majorité de ces plantes zoochores ne peuvent recruter sans dispersion et la structure spatiale homogène des arbres laisse penser à un lien direct avec leur agent de dispersion. Peu d
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espèces remplaceraient le rôle fonctionnel des bonobos, tout comme les bonobos ne remplacent pas les éléphants. Il y a peu de redondance fonctionnelle entre les mammifères frugivores très différents du Congo, qui doivent faire face aux pressions de chasse des hommes et disparaissent localement. La défaunation des forêts, résultant dans le syndrome des forêts vides, est un problème grave de biologie de la conservation au Congo. La disparition des bonobos qui dispersent les graines de 65 % des arbres de leur forêt, ou encore 11,6 millions de graines au cours de la vie d
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un bonobo, est liée à la conservation des forêts tropicales humides du Congo
Reproduction
Les femelles et les mâles arrivent généralement à maturité sexuelle entre l'âge de 13 et 15 ans.
Ils peuvent se reproduire toute l'année et la période de gestation dure de 230 à 240 jours. Chaque femelle donne naissance à un seul petit à la fois qui pèse aux alentours de 1,3 kg à la naissance. La femelle met un petit au monde environ tous les cinq ans, comme chez les chimpanzés. Le rythme des naissances est surtout limité par l'infécondité des femelles pendant l'allaitement qui dure 3 à 4 ans.
Comportement bipède
Sa morphologie particulière, notamment avec ses longs membres postérieurs et son faible indice intermembral, lui donne une apparence plus proche de l'être humain que le chimpanzé commun. Néanmoins, plusieurs études (en captivité) ont montré que la proportion de bipédie dans son répertoire posturo-locomoteur était la même que celle observée chez le chimpanzé .
La différence entre les deux espèces se retrouve plutôt dans le contexte d'utilisation de la bipédie :
le bonobo l'utilise préférentiellement pour la vigilance et le transport d'objets ;
le chimpanzé l'utilise lors de démonstrations de dominance .
ORGANISATION SOCIALE ET SEXUALITÉ
Les bonobos vivent en groupes qui peuvent compter jusqu'à une centaine d'individus.
En milieu naturel, les mâles et les femelles cherchent la nourriture ensemble, mais ce sont les femelles qui décident de la répartition. Par ailleurs, des orphelins peuvent se faire adopter par des adultes.
Le bonobo révèle une aptitude à l'utilisation d'outils. Par exemple l'utilisation de branches comme arme de jets lors des affrontements de mâles, et aussi de baguettes qu'il plonge dans les termitières pour en extraire les insectes qui constituent un de ses mets favoris.
Sexualité
Chez les bonobos, les relations sexuelles, feintes ou réelles, sont le plus souvent utilisées comme mode de résolution de conflits, à côté des mécanismes de domination. Les études suggèrent que les trois quarts des rapports sexuels entre bonobos n'ont pas de fin reproductive, mais plutôt sociale, et que presque tous les bonobos sont "pansexuels". Des scientifiques ont appelé cette méthode d'accouplement le "sexe convivial".
Il est courant qu'un membre du groupe pratique des actes sexuels dans le but de plaire à un autre membre ou pour réduire les tensions sociales. Par exemple, un individu subordonné peut utiliser des actes sexuels pour calmer un autre individu plus fort ou plus agressif. Mais si la fréquence des rapports est exceptionnelle dans le règne animal, et supérieure à celle de tous les primates, les accouplements sont rapides et furtifs, sans aucun geste préparatoire, et ne durent en moyenne qu'une quinzaine de secondes. Leur seul tabou sexuel serait l'inceste[réf. nécessaire], bien que les relations sexuelles incluent également les juvéniles.
À côté des pratiques sexuelles variées dont la sexualité orale, le baiser avec la langue ou les rapports homosexuels (le primatologue Frans de Waal préfère d'ailleurs parler de "pansexualité" et non pas d'homosexualité ou de bisexualité, pour insister sur le fait que la sexualité du bonobo est totalement ouverte à toutes les relations, et n'est pas orientée vers un seul sexe, un seul genre ; il a même découvert chez les bonobos une pratique, l'"escrime au pénis", qui peut être comparé à la pratique du frottement entre deux pénis chez les humains, le bonobo serait l'un des seuls mammifères à pratiquer, comme l'humain, le coït ventro-ventral (face à face).
Bouc émissaire
L'organisation sociale des bonobos en captivité présenterait une autre particularité : la paix du groupe serait maintenue par l'existence d'un bouc émissaire .
Lorsqu'un groupe de chercheurs a retiré un bonobo blessé et frappé par les autres membres du groupe, une accentuation de la violence et une baisse de la sexualité ont pu être remarquées.
A contrario, lorsque ce dernier fut réintégré au groupe, la paix du groupe fut réinstaurée.
Le phénomène de la consolation
Comme chez les autres grands anthropomorphes et chez les humains, le phénomène nommé "third party affiliation"
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appelé aussi contact affectif ("affiliation contact"), offert à la victime d'une agression par un membre du groupe, autre que l'agresseur
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a été constaté chez les bonobos.
Une étude récente a montré que le contact affectif, soit spontanément offert par un membre du groupe à la victime, soit directement sollicité par la victime, peut réduire la probabilité d'une nouvelle agression par des membres du groupe sur la victime (ce fait appuie l'"hypothèse de protection de la victime"
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"victim protection hypothesis").
Pourtant, seulement le contact affectif spontané réduit l'anxiété de la victime, suggérant que le contact non sollicité a une fonction consolatrice, par un geste spontané - qu'on peut interpréter comme de la protection - qui fonctionne en calmant le sujet en détresse.
Les auteurs émettent l'hypothèse que la victime peut percevoir la motivation du consolateur, qui ne nécessite pas d
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invitation pour offrir un contact affectif après le conflit, et ainsi rassure et apaise.
En outre, le contact spontané - et non pas le contact sollicité - est apparemment influencé par le lien affectif pré-existant entre le consolateur et la victime (ce qui appuie l'"hypothèse de consolation", "consolation hypothesis"). À ce propos, les auteurs ont observé que le contact spontané suivait la pente empathique décrite pour les humains, étant principalement offert aux parents, puis aux "amis" et, avec une fréquence plus basse, aux connaissances (la qualité de relation entre les individus a été déterminée en utilisant le taux de contacts entre les individus).
Par conséquent, la consolation chez le bonobo pourrait être un phénomène basé sur l
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empathie.
INTELLIGENCE ET COMMUNICATION
Le potentiel intellectuel des bonobos est important.
Dans l'Iowa, une psychologue américaine, dans le cadre d'une étude de la capacité des bonobo à comprendre le langage humain, a fait apprendre l'utilisation de 348 symboles d'un clavier à un bonobo mâle de 26 ans, nommé Kanzi (des expériences similaires ont été faites avec le gorille Koko, l'orang-outan Chantek et le chimpanzé Washoe).
Il a appris à combiner ces symboles dans ce que les linguistes appellent une "proto-grammaire". Les symboles se réfèrent aux objets familiers (le yaourt, la clé, le ventre, la boule…), des activités favorites (la poursuite, les chatouilles…) et même quelques concepts considérés assez abstraits (le présent, ce qui est mal…). La psychologue affirme qu'il comprend en plus jusqu'à 3 000 mots anglais parlés, qui ne font pas forcément partie du vocabulaire de son clavier. Elle ajoute qu'il peut s'exprimer vocalement et répondre convenablement aux commandes comme "mets le savon dans l'eau" ou "porte tel objet dehors" (en anglais).
Une étude rétrospective publiée en 2016 conclut que l'intelligence grammaticale de Kanzi a cependant été partiellement surestimée. Le linguiste Robert Truswell pense que le bonobo a plus de difficultés que l'humain dans le traitement complexe du nombre (syntagmes nominaux) au sein d'une structure grammaticale ; cependant Truswell considère que l'humain ne nait probablement pas avec la capacité d'interpréter ce type de structure grammaticale, il doit apprendre à l'utiliser
CLASSIFICATION
Pan paniscus est une espèce de Panines (genre Pan), membres de la famille des Hominidés et de l'ordre des Primates.
Histoire et étymologie
La première observation du bonobo est réalisée en 1928 sur un crâne de singe qui vient d'arriver dans les réserves du Palais des Colonies (aujourd'hui le musée royal de l'Afrique centrale) à Tervuren, en Belgique. Celui-ci présente les mêmes caractéristiques qu'un chimpanzé excepté sa taille extrêmement petite. Sur la demande du conservateur, Henri Schouteden, l'anatomiste et zoologiste berlinois Ernst Schwarz analyse le crâne et en déduit qu'il s
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agit simplement d'un chimpanzé jeune. Il publie son analyse d'une quarantaine de ligne ("Das Vorkommen des Schimpansen auf den linken Kongo-Ufer") dans la Revue de zoologie et de botanique africaine du 1
er avril 1929.
Dans le cadre de son tour d
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Europe des musées abritant des collections de singes, le primatologue américain Harold Jefferson Coolidge (1904-1985) se rend en personne en Belgique afin de voir par lui même ce crâne étrange. Il est stupéfait. Ce crâne ne saurait être une jeune chimpanzé parce qu'il est complètement formé. Il s'agit donc d'une nouvelle espèce. Il continue ses études dans les collections de différents musées, et obtient même la dissection complète d
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un spécimen. À l
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issue de ce travail minutieux, il publie en 1933 un article de cinquante-sept pages, dans lequel il préconise d'envisager le "chimpanzé pygmée" comme une espèce à part entière, Pan paniscus.
Le primatologue Robert Yerkes avait également prévu cette révision de la classification observant chez cet animal des comportements qu'il ne retrouvait pas chez le chimpanzé commun.
LE BONOBO ET L'HOMME
Proximité génétique
Les méthodes phylogénétiques ont permis d'établir que Pan paniscus et Pan troglodytes sont les primates les plus proches de l'Homme. Entre deux humains, les génotypes sont semblables à 99,9 %, tandis que la ressemblance entre l'humain et le bonobo serait de 98,7 %. Selon des analyses qui se fondent sur une horloge moléculaire au taux de mutation de 10-9 mutation par année, l'Homme aurait divergé il y a 4,5 millions d'années, tandis que l'embranchement bonobo-chimpanzé remonterait à 1 million d'années. L'Homme est également plus proche des deux espèces de Chimpanzés qu'il ne l'est d'autres primates, comme le gorille dont la divergence remonterait à environ 8 millions d'années (en remontant la même horloge moléculaire avec une vitesse régulière, linéaire).
Notamment à cause de cette ressemblance extrême, certains auteurs, minoritaires, proposent même de classer chimpanzés et bonobos dans le genre Homo (cf. Wildman et al., 2003), qu'ils appellent ainsi respectivement Homo troglodytes et Homo paniscus.
Concurrence écologique
L'espèce est aujourd'hui menacée de disparition à brève échéance à cause de la dégradation de son habitat naturel (déforestation). Depuis la guerre civile de 1996 au Congo, les bonobos sont, en outre, victimes de braconnage de la part des populations locales qui consomment leur viande. C'est en fait la principale menace qui pèse sur l'espèce.
Bien que le bonobo soit légalement protégé, la mise en œuvre de la loi n'est pas parfaite, et les efforts de conservation sont entravés par la corruption, l'isolement, aussi bien que par une instabilité politique.
La seule présence active et permanente sur le terrain est assurée par des ONG et des projets de recherche :
dans le parc national de la Salonga, des ONG travaillent pour renforcer la capacité d'intervention de l'Institut congolais pour la conservation de la nature ;
ailleurs, des ONG ont recours à des approches participatives pour amener les autochtones à une utilisation durable des ressources naturelles pour une conservation à long terme.
Mesures de protection
Le bonobo est sur la liste rouge de l'UICN des espèces menacées, son statut de conservation est au niveau "en danger" depuis 1996. Les populations sont en déclin. Il n'était que "vulnérable" en 1986.
Jusqu'en 2007, la seule aire protégée habitée par les bonobos était le parc national de la Salonga (33 346 km²).
Pour aider à sauver ce primate singulier et menacé, qui vit exclusivement dans les forêts pluviales de la République démocratique du Congo, le gouvernement congolais et l'"Initiative de conservation du Bonobo", basée aux États-Unis, ont créé un vaste sanctuaire. La réserve naturelle du Sankuru, avec ses 30 570 km2, abrite sans doute plusieurs milliers d'individus, sur une population estimée entre 5 000 et 50 000 (les chiffres sont imprécis, une décennie de guerre civile ayant empêché les chercheurs d'accéder à la zone).
Afin que cette réserve joue pleinement son rôle, les communautés locales se sont engagées à ne plus chasser les bonobos
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c'est la principale menace qui pèse sur l'espèce
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en échange d'une aide au développement.
Sankuru constitue le premier maillon d'un futur réseau de réserves baptisé "Forêt de la paix des bonobos".
LE BONOBO DANS LA CULTURE
"Mythe du bonobo"
Le primatologue allemand Gottfried Hohmann souhaite mettre en évidence, par un exemple, que le pacifisme n'est pas une conduite immuable à laquelle le bonobo se conforme sans faille. Le bonobo est, selon lui, un cousin de l'Homme seulement moins agressif que celui-ci, mais cette théorie reste à vérifier.
Takayoshi Kan
ō
, de l'Institut de primatologie de Kyoto, commence à étudier les bonobos dans leur milieu en 1973. Dans son livre, The Last Ape (Le Dernier Grand Singe), il oppose le chimpanzé brutal et jaloux au bonobo pacifique et libertin. Selon lui, la société humaine serait née d'une liberté sexuelle comparable, et non de l'agression, comme le soutient Konrad Lorenz. De même, de Waal parle d'une espèce qui "fait l'amour, pas la guerre ".
Médias
Le film documentaire Bonobos, sorti le 30 mars 2011 et réalisé par Alain Tixier, traite de la vie des bonobos dans un refuge unique au monde qui leur est consacré. Claudine André, spécialiste des bonobos, recueille Béni, un petit bonobo capturé par les Hommes, pour lui réapprendre la vie en communauté.
Sur la chaîne de télé Gulli, le singe en images de synthèse présentant la météo est un bonobo.
Dans la saga reboot La Planète des singes, commencé avec Les Origines puis L'Affrontement et Suprématie, le personnage de Koba est un bonobo ayant une forte rancune envers les Hommes au point de déclencher la guerre entre les Singes et les Hommes dans le second opus.